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S605-e4

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La "Cancel" Culture [1]

"Cultures"-4

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Un mouvement mal inspiré


Certains s’autorisent, au grand jour, à attaquer la Culture. Ils prétendent vouloir "l’effacer".

Ils clament l’objectif de leur entreprise, qu’ils nomment la "Cancel Culture" [2]  [3]  [4].


Le mouvement de la "Cancel Culture" s'est inspiré du concept de "déconstruction" [5], concept si pertinent à son origine, mais qui, hélas, s’est vu corrompu par des esprits extrémistes. Un beau concept massacré par des individus probablement non conscients de leur propre crise d'identité culturelle. Une minorité de prétendus "progressistes", prisonniers d'un mode de pensée binaire, simpliste, divisant les humains en "dominants" ou "dominés".


Un mode de pensée plein de contradictions et d’injonctions opposées qui rappelle celle de ceux qui, en plein mai 68, ont transformé un beau mouvement culturel en passages à l'acte quasi névrotiques. Ceux qui ont "jeté le bébé avec l'eau du bain", ceux qui ont jeté le "sacré et l'autorité", avec "l'autoritarisme". Un mode de "pensée toute-puissante" semblable à celui de ceux qui ont marqué le tournant du mouvement de Mai 68 avec le slogan schizogène : "Il est interdit d’Interdire" [6] ou avec la devise mal digérée de Rabelais [7] "fay ce que vouldras" ("fais ce que voudras") ! Voilà à quoi ressemblent aussi les adeptes de la Cancel Culture, quelques générations plus tard.


Une Internationale hors sol


Trop pressés, ils se croient sincèrement déjà "citoyens du monde", mais malheureusement d'un monde encore trop divisé.

Ces "citoyens du monde" semblent former une "internationale" d’apatrides auto-déracinés, semblable à celle d’anciennes idéologies qui rêvaient "d’universalité sans racines" [8].


Ils prétendent pouvoir se passer de Cultures qui seraient, à leurs yeux, trop "enracinées".

Ne voient-ils pas, par leurs excès, que leur haine de leur propre culture s'apparente à une haine de soi qui, si lourde à porter, est "projetée", telle une patate chaude, en haine de tout Autre qui ne verrait pas la réalité à travers leur prisme ?


Des victimes ?


Tout en nous opposant fermement à cette haine non contrôlée et à ses excès, nous soutenons que l’une de ses causes profondes serait : une souffrance collective occidentale. Une souffrance demeurée sans traitement, sans véritable "travail". Une culpabilité refoulée collectivement : comment une civilisation se considérant, à juste titre, comme l’une des plus avancées, a-t-elle pu commettre deux actes les moins éclairés de l'histoire de l'humanité : la Shoah et Hiroshima ? Cet "unfinished business", comme diraient les psys, hanterait inconsciemment les descendants de la génération qui a traversé la Deuxième Guerre mondiale. Les contemporains de cette guerre, dans leur immense majorité, n'ont pas fait le "travail" qui leur aurait permis de transformer le sentiment de "culpabilité" en "responsabilité" et ne pas laisser salir ce dont ils peuvent rester fiers. Trop vite, cette génération a "détourné le regard", glissé sous le tapis ces horreurs que "l’on ne saurait voir". Elle n’a légué à ses descendants qu’une culpabilité non dite qui ne trouve pas les mots pour se "dénouer".

Il y aura ici, pour ceux que nous devons combattre, une certaine reconnaissance d'un statut de victimes. Ce qui ne les exempte pas de la responsabilité de ce qu'ils seraient en train de faire de leur préjudice.


Avant qu'il ne soit trop tard


Il est temps, avant qu'il ne soit trop tard, d’opposer un mouvement de protection de la Culture et de son peuple, de résistance à celui de la "Cancel Culture".


Faut-il interpréter, en occident, les élections présidentielles américaines de novembre 2024 à travers l'angoisse de disparition d'une culture et de son peuple, plutôt que de se laisser distraire par les personnalités et les ego des dirigeants ?


Protéger la Culture


Les Humains, même à leur INSU, appartiennent à une ou des cultures. C'est ce qui peut les distinguer du reste de la "Nature". C'est ce qui peut leur permettre de "s'empêcher", comme dirait Albert Camus. C'est ce qui peut en faire des "sujets" responsables et non des "objets" de leurs bas instincts.


La critique des excès de la Cancel Culture ne nous empêche pas de voir les imperfections d'une culture. La culture est une production humaine, donc imparfaite. Mais elle est perfectible et nous ne pouvons admettre de "jeter le bébé avec l'eau du bain".


Voit- on émerger un nouveau clivage politique "ProWoke-Antiwoke", plus vif, plus essentiel que l’ancien, "Gauche-Droite", désormais vidé de sa substance ? "Gauche-Droite" ou "Démocrates-Républicains" n'est plus une grille d'analyse pertinente. Gauche et Droite s'entremêlent aussi bien chez les ProWoke que chez les AntiWoke. Quelle sera l'issue de cette nouvelle confrontation ? l'affaire est en pleine délibération.

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L'Épisode-Suivant : La Distance Culturelle

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Références

[1] La question de la "Cancel Culture" fera l’objet d’une série à part entière, qui explorera des mécanismes communs à plusieurs mouvements et théories semblables, qu’il s’agisse, par exemple, du "wokisme" ou de la "théorie du genre". J'ai suivi, de l'intérieur, la lente décadence de la gauche à partir des années 80, devenue gauche caviar, puis bobo, puis woke et maintenant wokiste.

[2] Douglas Murray, ‘'La Folie des foules : Genre, race et identité’', Éditions du Toucan, 2020.

[3] Helen Pluckrose et James Lindsay, ‘'Théories cyniques : Comment les universités sapent la justice sociale et corrompent la connaissance’', Éditions de l'Artilleur, 2020.

[4] Mathieu Bock-Côté, ‘'L'Empire du politiquement correct’', Éditions du Cerf, 2019

[5] Jacques Derrida, De la grammatologie (1967), Éditions de Minuit. Sa pratique intellectuelle rigoureuse, tolérante, des normes dominantes contraste avec son application politique et médiatique, son glissement vers la « cancellation » au service d'enjeux sociaux par des militants intolérants.

[6] Interdit d'interdire : J'ai fait partie, en Mai68, des 12 élus qui géraient la Sorbonne occupée par les étudiants. Chaque jour je lisais, sur les murs, les fameux slogans de Mai68 (par exemple, "sous les pavés, la plage" ou "il y a des actes qui rabotent les ambiguïtés"... ). C'était créatif. Lorsque j'ai lu, un matin, "Il est interdit d'interdire" j'ai senti confusément un tournant, un malaise. Mais je n'avais pas encore les outils d'analyse de ce symptôme d'un "nœud" collectif français encore aujourd'hui d'actualité, toujours pas "dénoué" collectivement.

Voir aussi à ce sujet l'épisode "Mai68", à venir, de la série ["MEYER"]. 

[7] François Rabelais, dans Gargantua, 1534.

[8] Simone Weil (1909–1943), L’Enracinement, 1949 (à titre posthume). Elle insiste sur la nécessité d’avoir des racines (historiques, culturelles, spirituelles) pour construire des valeurs authentiquement humaines. Elle met en garde contre les dérives d’un universalisme abstrait.

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